Loi sur la naturalisation: des effets contraires au but recherché
Sans revenir sur les aspects juridiques du débat, que La Nation a déjà traités dans ses colonnes, bornons-nous à développer quelques principes généraux. Le système actuel sur le plan de la naturalisation fonctionne bien, et les lois soumises au vote n'apportent aucun progrès. Le Conseil fédéral veut «harmoniser» les procédures de naturalisation dans tout le pays pour mettre fin aux «inégalités de traitement» entre différents cantons et communes, situation jugée «inadmissible». Or chaque canton comme chaque commune a une histoire, une démographie ou une économie propres qui lui fait assimiler plus ou moins vite ses habitants étrangers. C’est donc à la communauté concernée, celle dont les candidats seront membres, de choisir le rythme auquel elle entend les naturaliser. Faire des procédures identiques au niveau fédéral sans tenir compte de la diversité du terrain est à la fois illogique et malsain: cela reviendra à imposer des naturalisations à certaines communes, au risque de produire des tensions là où il n’y en avait pas.
Avant tout, il importe que la naturalisation traduise une réalité concrète: c'est-à-dire d’une part que l’étranger s'est pleinement intégré dans la communauté où il vit et d’autre part que celle-ci le reconnaît comme sien. Le passeport ne fait que sanctionner de manière officielle l’appartenance du candidat au pays qu’il habite. Il est absurde de prétendre, comme le fait le Conseil fédéral, que la naturalisation facilitée des jeunes étrangers va améliorer leur intégration! Que fera-t-il si, malgré leurs papiers officiels, ces jeunes se trouvent mal assimilés? L’appartenance à un pays ne se décrète pas, elle se constate. Le seul vrai moyen de faciliter la naturalisation, c’est de faciliter l’intégration.
Tout groupe humain exige au début, de la part du nouveau venu qui aimerait en faire partie, un effort supplémentaire: c’est ce qui permet au groupe de considérer le nouveau comme un avantage pour tous, et de le reconnaître peu à peu comme membre à part entière. Comment la nationalité pourrait-elle fonctionner autrement? Si l’on essaie à tout prix d'accélérer ce processus, les naturalisés risquent fort d’être vus comme des nationaux au rabais. A terme, on verra apparaître une nationalité «à deux vitesses»: d’un côté les «vrais» nationaux ayant une identité définie, participant pleinement à la vie de la communauté, de l’autre un patchwork culturel sans identité commune, mal intégré et déçu de son appartenance nationale. Bien sûr, les étrangers souffriraient les premiers d'une telle situation. Mais beaucoup de nos concitoyens estiment si peu leur nationalité qu'ils s'empressent de l'offrir, comme si ce geste pouvait assurer une parfaite vie commune entre étrangers et autochtones.
Nous estimons bon que la naturalisation prenne du temps et nécessite un certain engagement de la part du candidat. Une chose a d’autant plus de valeur à nos yeux qu’il aura été difficile de l'acquérir. Alors que l'on respecte et chérit les objets obtenus au prix d'un investissement personnel, ceux qui sont bradés ne recueillent que du mépris ou de l'indifférence. Une difficulté raisonnable à obtenir la nationalité donne à celle-ci un caractère précieux qui rendra le naturalisé fier de sa nouvelle patrie. Parce que, dans le même mouvement, elles contribuent à diluer l’identité nationale en l'offrant plus facilement, ces lois prétendues généreuses ont un effet contre-productif. Par conséquent, nous voterons deux fois NON le 26 septembre.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Entre l'Etat et les communes: un équilibre à retrouver – Editorial, Olivier Delacrétaz
- De l'obligation de servir – Pierre-François Vulliemin
- Pasteur Bardet – François Forel
- Assurance-maternité – Olivier Delacrétaz
- Des radicaux vaudois helvétiens à l'article 89bis – Ernest Jomini
- Une autre sécurité – Philibert Muret
- Vote for Kerry – Jean-Blaise Rochat
- Vaud existe! – Pierre-Gabriel Bieri
- Encore «l'université suisse»? – Jean-François Cavin
- Les deux cents et la démocratie – Olivier Klunge